« You scouse bastard! You scouse bastard! », criaient en cœur les fans de Manchester United réunis au Bishop Blaize, un pub à deux pas du Old Trafford, le stade où la célèbre équipe de Manchester allait affronter Southampton dans environ une heure.
Il était environ 13 h et les détenteurs de billets, comme avant chaque match, s’étaient rendus dans ce mythique public-house pour regarder la partie qui avait lieu avant la leur. Mais surtout, ils étaient venus ici pour boire. J’oserais même dire : pour se défoncer la tronche.
- C’est quoi hein, les « scouse bastards? », demandais-je à Gareth, un nouvel ami que j’avais rencontré grâce à (la très pratique) application Spotted By Locals.
- Ah! C’est les joueurs de Liverpool! C’est eux qu’on voit à l’écran. Ils jouent le match avant le nôtre et les fans de Manchester United les haïssent.
- AH! OKAY!
Voilà que je criais à mon tour. Le Bishop Blaize, c’est comme les boîtes de nuit : tu viens pas ici pour parler.
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Devant moi, un homme plus bruyant que la moyenne décida de se démarquer de ses comparses déjà particulièrement ivres, en me flashant sa bedaine dure et ronde et en pinçant ses man tits. Un véritable baril de bière de chair humaine.
- J’AI BESOIN D’UNE BIÈRE! TU VEUX UNE BIÈRE?
Gareth me fit signe que oui de la tête. Je me dirigeais vers le bar.
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Pour le match d’aujourd’hui, j’avais pris soin de mettre mon plus beau gilet rouge. J’ai beau être une novice du foot, je suis quand même une fille informée. Et chose certaine, je n’avais pas l’intention de faire un fashion faux-pas au sein de la Red Army.
Je m’étais également acheté, pour 5 pounds, un foulard de Manchester United. Il se vendait dans la rue plusieurs types de ces foulards, dont je savais que certains amis faisaient collection. J’avais choisi le foulard d’amitié, sur lequel était aussi inscrit le nom de l’équipe adverse. J’aimais bien ce concept (et le fait que c’était le plus cheap). C’était également, à mon avis, une meilleure option que la perruque de cheveux noirs frisés, clin d’œil à l’afro du joueur belge Marouane Fellaini, qui se vendait par milliers dans les kiosques tout autour du stade. De toute façon, des cheveux frisés, j’en ai à revendre.
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Au pub, il n’y avait aucun homme du type David Beckham ou Cristiano Ronaldo en vue. Le Bishop Blaize était plutôt le lieu de pèlerinage du gars de type « gorille-bien-saoul ». Il vient ici religieusement à chaque match, fredonner des cris de ralliement avec le reste de sa tribu. Gareth m’enseigna quelques chants – question que je m’intègre.
Il y avait, certes, une certaine dose de bestialité dans ce pub. À l’extérieur du Bishop Blaize, un drapeau était affiché : « United, les enfants, la femme. Dans cet ordre ».
Les femmes étaient évidemment admises au pub. Le soccer et les sports attirent des fans de tous les sexes. Mais dans ce bar, je pouvais compter les membres de la gent féminine sur les doigts de mes mains - et ça incluait la barmaid, ma directrice photo, ma coordo et moi. J’ai bu. J’ai regardé ces hommes fraterniser, boire, crier. J’ai ri. J’ai sourcillé. J’étais heureuse d’être là.
Plus qu’une histoire de ballon, les locaux du Bishop Blaize venaient y oublier les rouages du monde et le stress du quotidien.
United. Dans le soccer, et dans l’ivresse.